Crapaud de jet de Kihansi : habitat, caractéristiques et conservation

Entre 2000 et 2001, des systèmes de pulvérisation artificielle ont été construits sur la rivière Kihansi pour tenter de récupérer l'habitat de son crapaud endémique, habitat qui disparaissait en raison de la construction d'une centrale hydroélectrique.
Crapaud de jet de Kihansi : habitat, caractéristiques et conservation

Dernière mise à jour : 03 septembre, 2021

Le crapaud de jet de kihansi est un amphibien de petite taille endémique d’une région particulière d’Afrique. Il est adapté aux zones avec un excès d’humidité et qui dépendent des embruns d’une cascade pour survivre. Il lutte contre l’extinction depuis des années, mais il semblerait qu’il soit en train de gagner la bataille.

Cette espèce appartient à la famille des Bufonidae, dans laquelle sont regroupés la grande majorité des crapauds. Cependant, contrairement à ces derniers, elle n’a pas de glandes à venin ni de bufotoxine. Nous nous référons ici spécifiquement à l’espèce Nectophrynoides asperginis, un anoure qui refuse de s’éteindre complètement. Poursuivez donc votre lecture pour en savoir plus sur ce petit animal.

L’habitat du crapaud de jet de kihansi

Cette espèce de crapaud est endémique de la rivière Kihansi située à Udzungwa (Afrique), où elle habite une superficie de seulement 2 hectares. Le site appartient aux chaînes de montagnes de l’est de la Tanzanie, où se trouve une grande diversité d’amphibiens. En effet, la rosée produite par les cascades de la rivière provoque la formation de zones humides.

Les habitats de cet amphibien sont appelés « zones humides de rosée » et sont des écosystèmes capables d’atteindre une humidité relative de 100 %. Ces conditions signifient qu’aucun arbre ne peut pousser à proximité, mais cela crée des herbes et des prairies abondantes. Au final, un espace idéal est créé pour les crapauds, car il leur offre protection et humidité, des éléments essentiels à leur survie.

Les amphibiens effectuent une grande partie de leurs échanges gazeux à travers leur peau. Par conséquent, leur peau doit toujours être humide.

Caractéristiques physiques

C’est l’un des plus petits crapauds qui existent : il mesure seulement 2,5 centimètres de long. De plus, il ne possède pas les membranes tympaniques ni les glandes parotoïdes, ce qui signifie que son ouïe est compromise et qu’il ne présente aucun type de poison. Ce dernier point est intéressant, puisque les anoures de la famille des Bufonidae ont tendance à produire des bufotoxines ; le crapaud de jet de kihansi est alors l’une des exceptions.

Cet anoure arbore des tons jaunes et bruns au niveau de son dos et des tons blancs au niveau de son ventre. Sa peau a un effet translucide, il est même possible de voir le développement des jeunes à l’intérieur de son corps. Ses membres ont une forme adaptée au milieu aquatique. Les orteils de ses pattes postérieures sont palmés.

Le dimorphisme sexuel de cette espèce est évident au niveau de la taille et la de la coloration. Les femelles ont tendance à être plus grandes, tandis que les mâles affichent des couleurs plus vives sur leur corps. Les deux caractéristiques peuvent être liées au succès reproducteur du crapaud, puisque la taille influe sur le nombre d’enfants, tandis que la couleur aide à sélectionner un partenaire.

Le comportement du crapaud de jet de kihansi

Ces petits anoures ne sont ni agressifs ni territoriaux, sauf pendant la saison de reproduction. Ils peuvent alors très bien cohabiter avec d’autres congénères dans un petit espace. Cela est régulièrement le cas lorsque l’humidité diminue pendant les périodes de sécheresse.

Les embruns des cascades sont un facteur important pour ce crapaud, car l’humidité qu’ils produisent est essentielle pour eux. C’est pourquoi on les voit généralement sur les rochers, où ils profitent de la petite brume formée par la chute de l’eau. De plus, ils sont très sensibles aux perturbations. Ainsi, si le débit du plan d’eau diminue, ils sautent pour s’immerger et éviter la dessiccation.

Un aspect important de ces amphibiens est leur capacité à établir des horaires, ce qui leur permet d’ utiliser à tour de rôle les zones de leur environnement. Ainsi, pendant la matinée, les jeunes occupent le sol et les rochers bas, tandis que les adultes exploitent les pierres et la haute végétation. La nuit venue, ils changent de zone pour avoir accès aux ressources de manière ordonnée.

Comportement alimentaire

Ces crapauds se nourrissent d’une grande variété d’arthropodes, notamment des diptères, des homoptères, des hyménoptères et des acariens. De plus, ils disposent de 3 systèmes pour chasser leurs proies : le premier consiste simplement à s’asseoir et à attendre, le second à les suivre et à les attraper, et le troisième à les traquer.

Comportement reproducteur

L’une des principales caractéristiques de ce type d’amphibien est son chant pour attirer les partenaires. En fait, la plupart des mâles se rassemblent dans une végétation dense où ils ne peuvent pas se voir les uns les autres, mais où leur chœur peut être entendu par les femelles. Ces dernières peuvent ainsi localiser facilement les mâles, puis elles s’approchent et l’accouplement commence.

L’amplexus de ces amphibiens a lieu chaque année entre décembre et février, et via un “câlin”, le mâle féconde la femelle. Cela peut paraître étrange, mais cet anoure a une fécondation interne, puisque son mode de reproduction est ovovivipare. Par conséquent, la nouvelle mère produira des œufs, mais les conservera dans son ventre jusqu’à l’éclosion.

La mère aura entre 5 et 13 têtards par saison qui écloront après 30 à 60 jours d’incubation. Ces nouveau-nés arborent une couleur violette avec des lignes vertes irrégulières le long de leur corps. Au fur et à mesure que les spécimens grandissent, ils prennent la teinte habituelle des adultes.

Les spécimens subadultes présentent un mélange des deux modèles de pigmentation.

Le statut de conservation du crapaud de jet de kihansi

Ce crapaud est éteint à l’état sauvage, mais des spécimens sont toujours conservés en captivité. On espère ainsi pouvoir récupérer l’espèce grâce à des réintroductions contrôlées. Cependant, l’un des plus grands défis est de récupérer la rivière Kihansi, car en raison de la mise en place de centrales hydroélectriques, son débit a été réduit.

Les menaces qui pèsent sur le crapaud de jet de kihansi

Bien que les projets de production d’électricité aient été l’un des facteurs importants de leur extinction, il y en a eu d’autres. En novembre 2003, certains chercheurs ont confirmé la présence de champignons chytrides à proximité de la rivière Kihansi. Ces organismes pathogènes sont considérés comme l’une des plus grandes menaces auxquelles les amphibiens peuvent être confrontés.

La dernière fois que le crapaud kihansi a été observé dans la nature, c’était lors d’un recensement de 2004, qui a montré que sa population était extrêmement faible. Comme il n’a pas été possible d’identifier la cause de sa disparition, on pense que la chytridiomycose a joué un rôle important dans son extinction.

Aussi, certains experts estiment que l’utilisation de pesticides dans les cultures en amont pourrait avoir un impact négatif sur leur santé. Cela est logique, car les amphibiens sont très sensibles aux conditions de l’eau, de sorte que même un changement minime peut les tuer.

Le retour au royaume perdu

En raison de la situation que traversent ces animux, plusieurs personnes se sont réunies pour leur permettre de retourner dans leur habitat. Grâce à la reproduction en captivité, la possibilité de réintroduire l’espèce pour qu’elle puisse repeupler son habitat est à l’étude. Ce travail est difficile, car il faut vérifier que les conditions de l’écosystème sont les meilleures possibles pour la survie du crapaud.

Cela signifie que les missions sont au nombre de deux : essayer d’augmenter le débit de la rivière pour que la rosée maintienne l’humidité et lutter contre les maladies environnementales. Malgré les complications, au cours de 2019 les premiers tests de sa réintroduction ont été réalisés. Il a été souligné que le processus pouvait prendre beaucoup de temps, mais qu’il était probable qu’ils soit couronné de succès.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le retour d’une espèce dans son habitat naturel implique plus que le simple relâchement de l’individu sur le site. Il faut d’abord connaître la raison pour laquelle elle a disparu. Si c’est à cause d’une maladie, il faudra y faire face. Autrement, les nouveaux colons subiront le même sort que leurs prédécesseurs.

En somme, les plans de réintroductions impliquent de nombreux processus, qui dépendent principalement de l’animal dont il est question. Cependant, tous s’accordent sur un point : des méthodes structurées et développées par des professionnels sont nécessaires pour assurer le succès de la mission.


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